Centre nantais de sociologie

Présentation des thèmes


Le colloque "Ce que l'école fait aux individus" a été organisé autour de quatre conférences, d'une table ronde et de 14 ateliers portant sur six thématiques avec l'objectif de témoigner de cette vitalité et de cette actualité de la sociologie de l'éducation et de la formation.



Thème 1 - Construction, transmission et réception des savoirs scolaires
Thème 2 - Le retour des classes sociales à l'école
Thème 3 - La construction extrascolaire de l'expérience scolaire
Thème 4 - Certifications et usages des diplômes
Thème 5 - Un renouvellement des métiers de l'éducation ?
Thème 6 - Les conséquences de la reconfiguration des politiques éducatives


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THEME 1 - Construction, transmission et réception des savoirs scolaires

Ce que l'école doit transmettre aux individus pose question de façon récurrente, récemment, par exemple, dans les débats relatifs au socle commun de connaissances et de compétences (2005) ou encore à la définition des programmes de telle ou telle discipline d'enseignement. L'introduction de nouveaux contenus d'enseignement dans les programmes scolaires, les tentatives de définition d'une culture scolaire commune ont longtemps été des objets d'étude privilégiés de la sociologie des curricula. La dimension socio-historique de ces études a mis en évidence le caractère relatif et sujet à controverse de certains savoirs ou pratiques, au nombre desquels on peut citer, de façon non exhaustive, la grammaire, la littérature, les mathématiques, la philosophie, l'éducation artistique, l'éducation sportive... Mais la sociologie des curricula peut également s'emparer des évolutions contemporaines, des débats qui portent à la fois sur les fondamentaux (lire, écrire, compter) et sur les innovations pédagogiques ou curriculaires.

La réflexion sur la construction et la transmission des contenus d'enseignement est en effet indissociable d'une analyse sociologique des pratiques professionnelles des enseignants qui les mettent en œuvre. Les nouvelles formes d'enseignements intégrés, la mise en place de dispositifs comme les travaux personnels encadrés ou les itinéraires de découverte ou encore la réflexion sur les critères d'évaluation des compétences interrogent les modalités de travail des enseignants, et en particulier le travail collaboratif.

Cette réflexion sur la recomposition des formes scolaires traditionnelles appelle réciproquement une investigation du côté des élèves qui prend deux directions. Comment reçoivent-ils et s'approprient-ils les contenus d'enseignement d'une part ? Dans quelle mesure d'autre part leurs pratiques culturelles, leurs centres d'intérêt sont-ils des obstacles à cette transmission ? Ne peuvent-ils pas également être perçus comme des points d'appui pour les enseignants qui s'ancrent dans ces pratiques afin de susciter intérêt et curiosité ?


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THEME 2 - Le retour des classes sociales à l'école

Le retour récent de la thématique des classes sociales dans le discours sociologique a montré la pertinence de son renouvellement pour appréhender les actuelles réalités et inégalités sociales. En sociologie de l'éducation en revanche, l'école n'est peut-être plus autant interrogée que par le passé dans ses effets sur les rapports sociaux alors même que cette approche mériterait d'être revisitée. Ainsi, quelles sont les conséquences de l'engagement désormais massif des familles populaires dans le jeu scolaire ? Que sait-on des relations entre fragmentation des milieux ou classes populaires (précarité, chômage, pauvreté, rapport au temps...) et scolarisation ? Quelles sont, pour ces catégories, les formes de mobilisation du capital social ? La prolongation des études dans les milieux populaires n'affecte-t-elle que les trajectoires de mobilité de ceux qui se sont engagés dans cette voie ? Quelles sont finalement les conséquences de la diffusion de la culture scolaire dans les pratiques de travail, dans les pratiques d'engagement ?

S'il est essentiel que soient interrogés les rapports des catégories dominées aux institutions scolaires, il est également important de traiter des nouveaux liens qu'entretient l'ensemble des catégories sociales à cette institution. On peut ainsi avancer que, si les catégories supérieures ont traditionnellement entretenu des liens privilégiés à la « culture scolaire légitime », il semble que ces liens soient remis en cause par l'émergence des nouvelles générations au sein de ces milieux. L'introduction, dans les collèges et les lycées, de classes européennes et de doubles certifications franco-étrangères interroge sur les effets sociaux de telles filières ou options au recrutement social assez élitiste. De ce point de vue, n'assiste-t-on pas à un retour d'une école de classe ? Et quels sont les effets sur les élèves en matière de socialisation scolaire et sociale de ce type de formation ? Par ailleurs la segmentation des classes moyennes (par exemple, les classes moyennes supérieures et inférieures ou encore les professions du privé et du public), tout comme celle des classes populaires (tout spécialement selon le niveau de précarité de leur situation), se ressentent dans l'usage différencié que leurs membres font de l'école, à tous les échelons de l'enseignement, sans oublier celui de l'enseignement supérieur.


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THEME 3 - La construction extrascolaire de l'expérience scolaire

De nouveaux modes de division sociale du travail éducatif interrogent les missions attribuées à l'école mais aussi la construction de l'expérience scolaire. La place de l'enseignant comme acteur central dans la socialisation de l'élève de même que la centration sur les interactions entre enseignants et élèves sont questionnées en permanence par l'importance progressivement prise par des intervenants extérieurs à l'école. Il s'agit, entre autres, du rôle de la famille et des pairs ou du renouvellement des modes d'influence des communautés religieuses. Mais on peut aussi penser aux cours particuliers ou à toute autre activité extrascolaire dont l'action agit en retour sur celle de l'élève en tant qu'individu.

Ainsi, c'est sous l'angle de la construction extrascolaire de l'expérience scolaire qu'il paraît pertinent d'analyser ici le processus de socialisation des élèves. Quelles sont les complémentarités ou oppositions entre ces différentes instances dans et hors de l'école ? Quelles sont les nouvelles tensions et les tentatives d'harmonisation qui les sous-tendent ? Quelles sont les conséquences de ces nouveaux modes de socialisation des élèves sur l'égalité des chances devant l'école ?

La réflexion proposée fera fortement référence à des travaux décrivant et analysant ce que disent et font les différents acteurs du monde de l'éducation de ces relations entre l'école, l'individu et la société : les professionnels de l'éducation nationale, mais aussi les différents partenaires institutionnels, ceux qui relèvent des domaines associatifs ou marchands ainsi que les élèves eux-mêmes.


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THEME 4 - Certifications et usages des diplômes

Les attentes vis-à-vis des diplômes sont peut-être aujourd'hui plus complexes, plus ambivalentes et moins immédiatement déchiffrables qu'il y a quelques années. D'un côté, la politique scolaire continue de fixer des objectifs quantitatifs assez élevés concernant les flux de sortie du système éducatif. Cette ambition se fonde sur une anticipation de la hausse des qualifications dans une économie de la connaissance et mise sur l'amélioration de la certification scolaire initiale pour remplir ces objectifs. Mais de l'autre, l'école se voit de plus en plus assignée une mission d'insertion professionnelle, notamment en introduisant dans la formation initiale des notions d'« employabilité » et de « compétences ». Par ailleurs, les diplômes de l'Éducation nationale entrent en concurrence avec d'autres certifications telles que les certificats de qualification professionnelle mis en place par les branches professionnelles. La diversification des modes d'accès aux certifications via la validation des acquis de l'expérience contribue également à questionner le rôle des cursus scolaires.

Parallèlement, les incertitudes sur la valeur des diplômes se font de plus en plus entendre. Qu'en est-il aujourd'hui du rôle protecteur du diplôme face au risque du chômage et de la précarité ? Qu'en est-il de son rôle dans l'accès aux positions sociales et professionnelles ? On s'interrogera non seulement sur l'insertion professionnelle des diplômés, mais aussi sur la place des certifications dans les pratiques d'embauche et le maintien dans l'emploi. L'usage des diplômes peut être interrogé classiquement en mettant en relation les hiérarchies scolaires et les hiérarchies professionnelles. Mais il gagne aussi à être mis en perspective avec les qualités attendues des salariés, au sein des entreprises, dans des situations de travail précises.


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THEME 5 - Un renouvellement des métiers de l'éducation ?

Nouvelles frontières de l'école, nouveaux partenariats, nouvelles conditions d'exercice : les métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation sont en transformation dans leur définition, leurs frontières mais aussi dans les pratiques mises en œuvre. Si ces thématiques ne sont pas nouvelles, elles sont toutefois toujours d'actualité et permettent de poser fortement à la fois la question de la professionnalisation de ces métiers mais aussi des rapports qu'ils entretiennent avec d'autres groupes professionnels avec lesquels ils sont en relation directement ou indirectement. Ainsi qu'en est-il des interactions entre différents groupes professionnels fortement incités à travailler ensemble (par exemple enseignants, conseillers principaux d'éducation, chefs d'établissement, voire chefs d'entreprise, responsables municipaux ou associatifs, membres du secteur médico-éducatif, du champ artistique et culturel ou encore de la police) ? En quoi ces nouvelles interactions transforment-elles les missions des professionnels de l'éducation et contribuent à redéfinir leur métier, leur identité ? On peut aussi les mettre en perspective avec les transformations survenues dans d'autres groupes sociaux. Enfin il convient de s'interroger sur l'influence de ces questionnements sur les dispositifs de formation.


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THEME 6 - Les conséquences de la reconfiguration des politiques éducatives

La reconfiguration des politiques d'éducation et de formation, issue de la décentralisation et de la délégation des responsabilités mais aussi d'un processus plus large de libéralisation, affecte les références culturelles et les pratiques professionnelles des acteurs concernés. Le colloque permet de s'interroger sur la mise en œuvre des réformes éducatives en analysant en particulier les modalités de résistance, les formes d'appropriation, les jeux d'alliance et de concurrence, les repositionnements qui y sont associés.

La reconfiguration entraîne également une extension des producteurs des politiques qui agissent à différentes échelles (transnationale, nationale, régionale, locale). Que sait-on de leurs profils sociologiques et de leurs pratiques professionnelles, de leurs références, de leurs objectifs ?

Plusieurs pistes méritent d'être approfondies en s'attachant aux effets induits sur les acteurs de l'éducation de tout niveau. En quoi et au nom de quoi, par exemple, les incitations des organismes intergouvernementaux, leurs enquêtes comparatives (comme PISA, PIRLS, TIMSS) et leurs données statistiques sont-elles pris en compte par les responsables éducatifs, en particulier à l'échelon local ? Ou encore : peut-on supputer une privatisation de l'enseignement, dont le développement des différentes formes d'école hors l'école (travail à la maison, soutien, entraînement et coaching scolaires...) seraient autant de signes précurseurs ? Enfin, quelles sont les conséquences, pour les enseignants et les formateurs comme pour leur public, de l'intégration de nouvelles formes de rationalisation du monde éducatif : par exemple, la généralisation des référentiels, la pensée en termes d'« offre de formation », la construction du Répertoire national des certifications professionnelles qui tend à mettre sur un même plan tous les titres ?

Mis à jour le 25 novembre 2008.
https://cens.testksup.univ-nantes.fr/publications/presentation-des-themes